Les cellules sont sensibles à leur environnement mécanique : la rigidité de leur substrat ou des contraintes mécaniques externes provoquent des réponses biochimiques intracellulaires, via ce que l’on appelle la mécanotransduction. En conséquence, les cellules adaptent des fonctions essentielles telles que la migration, la prolifération ou la différenciation. Un mauvais fonctionnement de la mécanotransduction est impliqué dans un ensemble varié de maladies telles que des pathologies cardiaques, osseuse ou la progression cancéreuse. Les interactions moléculaires sont maintenant bien décrites montrant des réseaux de signalisation très complexes avec des centaines de protéines identifiées et des boucles de rétroaction, la cellule régulant également sa propre action mécanique sur son environnement.
Des travaux antérieurs montrent que les cellules sont sensibles aux aspects spatiaux et temporels d’un stimulus mécanique. Toutefois, les méthodes expérimentales actuelles ne permettent pas de traiter la coordination spatio-temporelle des signaux mécaniques et biochimiques. Pour cela, il est nécessaire d’appliquer une contrainte mécanique dynamique, non ponctuelle mais locale à l’échelle de la cellule unique tout en étant capable de lire la réponse cellulaire.
Une collaboration entre des physiciens de l’Institut Néel (UGA/CNRS/Grenoble INP) et des biophysiciens du LIPhy (UGA/CNRS) a permis le développement de substrats magnéto-actifs capables d’appliquer ce type de contraintes et de mesurer simultanément la réponse mécanique de la cellule ainsi que des marqueurs biochimiques fluorescents.
Des micro-piliers en fer sont arrangés dans une couche d’élastomère relativement mou. Grâce à une paire d’électroaimants, le substrat peut alors être déformé localement autour de chaque pilier. Grâce à l’inclusion de billes fluorescentes, les contraintes mécaniques exercées par le pilier et par la cellule peuvent être mesurées en temps réel. Tout cela est réalisé sur un microscope à épifluorescence qui permet de suivre la réponse cellulaire au cours du temps via des marqueurs fluorescents.
Comme preuve de principe, les chercheurs ont montré que les cellules sont chatouilleuses : juste après une stimulation mécanique, les cellules sont devenues plus agitées !
Ces substrats magnéto-actifs ouvrent la voie à l’étude quantitative de la réponse biochimique intracellulaire à des stimulations mécaniques contrôlées dans le but de comprendre la coordination spatio-temporelle des signaux mécaniques et biochimiques lors de la mécanotransduction.
Une collaboration LIPhy-Néel-G2Elab. Lien vers l’Institut de Physique du CNRS
Magneto-active substrates for local mechanical stimulation of living cells, Cécile Bidan, Mario Fratzl, Alexis Coullomb, Philippe Moreau, Alain Lombard, Irène Wang, Martial Balland, Thomas Boudou, Nora Dempsey, Thibaut Devillers and Aurélie Dupont, Scientific Reports 8, 1464 (2018)